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Parcours de l'Aubette 1928

Le projet

  • En 1765 est confiée à l’architecte Jacques-François Blondel (1705-1774), la construction d’un bâtiment sur la place aujourd’hui appelée Place Kléber. À la fin du chantier, le seul bâtiment construit devient un bâtiment militaire. Le lieu est désigné par le terme « aubette » dès la fin du XVIIIe siècle parce que la relève des gardes s’effectue chaque jour à l’aube, devant le bâtiment.
  • Après avoir abrité dès 1845 un café dans une partie de ses locaux, l’Aubette accueille en 1869 le musée municipal de peintures, créé en 1803. Ravagé par un incendie le 24 août 1870, sa réhabilitation intervient entre 1873 et 1875.
  • De nouvelles perspectives de modernisation voient le jour en 1911. En 1922, les mulhousiens Paul et André Horn, respectivement architecte et pharmacien, arrivés à Strasbourg pour mettre en œuvre certains grands travaux d’urbanisme traçant les axes de la ville actuelle, louent l’aile droite de l’Aubette en vue d’y créer un complexe de loisirs. Paul Horn réalise de 1922 à 1926 les premiers plans intérieurs. Cette même année, les entrepreneurs s’adjoignent les compétences de Hans Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp. Le couple, marié depuis 1922, séjourne en 1925 à Strasbourg, ville de naissance de Jean Arp. André Horn confie alors à Sophie Taeuber-Arp plusieurs commandes de décoration intérieure, celle de son appartement, celle de l’Hôtel Hannong mais aussi celle de l’Aubette.

Le couple d’artistes s’associe en septembre 1926 à Theo Van Doesburg, peintre, architecte, poète et théoricien néerlandais. Il a fondé en 1917 la revue De Stijl qui diffuse l’esthétique néoplasticienne de Piet Mondrian et le principe de la synthèse des arts, cher aux avant-gardes. Ce dernier vise à réunir peintres, architectes, poètes et danseurs au service d’un même projet artistique et de distinguer in fine, l’« architecture décorative » désignant celle des siècles passés et « architecture fonctionnelle », l’architecture contemporaine.

Théo Van Doesbrug veut « placer l’homme dans la peinture plutôt que devant elle » et c’est dans cet esprit que l’Aubette est conçu comme un espace d’art au service de la vie et de son embellissement. Issus des mouvements artistiques nés après la Première Guerre mondiale, les trois artistes voient en effet dans le projet l’opportunité de mettre en œuvre à grande échelle les principes portés par ces avant-gardes.

L’ambition est alors de rompre avec l’art du passé et de proposer une nouvelle esthétique à même de créer une œuvre d’art totale, collective et transdisciplinaire. Le complexe de loisirs comprend alors quatre niveaux (sous-sol, rez-de-chaussée, entresol et premier étage) dont les trois artistes se répartissent la décoration.

  • Au sous-sol se trouvent le bar américain et le caveau-dancing décorés par Arp de formes souples d’inspiration biomorphique qui tranchent avec l’esprit géométrique des autres décors.
  • Au rez-de-chaussée, l’aménagement du café-brasserie et du restaurant sont confiés à Van Doesburg tandis que Sophie Taeuber décore le « Five O’Clock » ou salon de thé-pâtisserie et l’Aubette-bar ainsi qu’ à l’entresol, la salle de billard.
  • Au premier étage, le Ciné-bal et la salle des fêtes aux décors géométriques sont réalisés par Van Doesburg et le Foyer-bar par Sophie Taeuber.

L’inauguration a lieu le 16 février 1928. Le public n’est pas préparé à cette œuvre moderne si audacieuse et la désapprouve. Quelques mois après l’ouverture l’intégrité des décors est remise en cause par les gestionnaires du lieu qui procèdent à des ajouts ornementaux conformes au goût de l’époque.

En 1938, l’ensemble des décors de Theo Van Doesburg, Sophie Taeuber-Arp et Hans Jean Arp sont recouverts, faisant ainsi disparaitre l’œuvre originelle.

 

La restitution actuelle

Dans les années 1960 émerge la perspective de restituer ce décor avant-gardiste, connu par de nombreuses photographies d’époque et des esquisses préparatoires en couleur.

Des travaux de restitution, concernant exclusivement le Ciné-bal, sont entrepris en septembre 1985, date à laquelle la salle et l’escalier sont classés monuments historiques. Le Foyer-bar et la salle des fêtes obtiennent le classement en 1989. Les travaux au Ciné-bal sont achevés en 1994. Une seconde campagne, destinée à rendre les décors de l’ensemble du premier étage – salle des fêtes, escalier, et Foyer-bar –, est décidée en 2001. Le chantier, placé sous l’autorité d’un comité scientifique composé d’experts français et hollandais, est entrepris en mai 2004. Deux ans sont nécessaires pour effectuer sondages et prélèvements de la couche picturale primitive, choisir les teintes au vu des résultats des expertises et mettre en peinture les espaces.

Le nouvel ensemble est ouvert le 8 juin 2006.

L’escalier

Dessiné par Theo Van Doesburg, l’escalier permet de rejoindre le premier étage depuis l’entresol et se trouve à l’emplacement prévu par Paul Horn dans ses avant-projets. Le décor peint est attribué à Sophie Taeuber-Arp et à Arp. Les longues bandes verticales de couleurs grise et bleue s’opposent aux lignes brisées de l’escalier et accentuent le mouvement ascendant de cette cage rectangulaire composée de trois volées et de deux paliers. Le vitrail, dont le Musée d’Art moderne et contemporain conserve la maquette, a été réalisé par Arp. Il se compose de trente carreaux de verre rectangulaires déclinés dans des tons de gris, bleus et beiges.

Le ciné-dancing (ou Ciné-bal)

De nombreuses esquisses permettent de distinguer les différents états de recherche menés par Théo Van Doesburg pour décorer les murs et le plafond de cette salle de 250 m2. Il applique les théories esthétiques de l’élémentarisme, mouvement qu’il fonde en 1924, et qui affirme l’utilisation de l’oblique comme facteur de dynamisme, par opposition au néoplasticisme de Mondrian, établi sur la seule utilisation d’une grille orthogonale. En tenant compte de la répartition orthogonale des éléments architectoniques et de la présence du mur écran rectangulaire, Van Doesburg compose un ensemble oblique de carrés, rectangles et triangles de couleurs noire, blanche, jaune, vert, bleu et rouge. La salle bénéficie d’un éclairage naturel unilatéral au sud grâce aux cinq fenêtres donnant sur la place Kléber, renforcé par des éléments d’éclairage artificiel au plafond.

Le foyer-bar

Décoré par Sophie Taeuber Arp, l’espace trapézoïdal du Foyer-bar est pensé par Van Doesburg comme un trait d’union reliant la salle des fêtes et le Ciné-bal pour favoriser la circulation entre les différents espaces. Il s’agit d’un lieu ouvert dans lequel le visiteur peut se désaltérer (un bar semi-circulaire se trouvait contre le mur nord) tout en suivant le film projeté dans le Ciné-bal. Sophie Taeuber Arp décline différents aplats rectangulaires de nuances de gris et de rouge pour composer la décoration murale et Théo Van Doesburg s’en inspire pour dessiner l’esquisse du sol.

La salle des fêtes

Pour cette pièce, et contrairement au Ciné-bal, Van Doesburg choisit une trame exclusivement orthogonale animée de lignes verticales et horizontales créant carrés et rectangles. La gamme chromatique est faite de couleurs élémentaires (jaune, bleu, rouge, noir et blanc) chères à l’esthétique néo plastique. Deux nuances d’une même couleur sont juxtaposées côte à côte dans le but de créer une «dissonance». Certains modules accueillent des plaques d’émail contenant chacune seize ampoules qui créent ainsi un éclairage artificiel. Le projet originel comprenait un sol en linoléum coloré. Celui-ci fut finalement traité en parquet de bois.